Si votre logement est considéré comme insalubre au regard des critères énumérés par la loi, il existe de nombreuses possibilités de recours visant à protéger les locataires. Les propriétaires, pour leur part, ont alors des obligations vis-à-vis de leur logement insalubre mis en location dont le non-respect peut avoir de sérieuses conséquences légales. Etudions ce qui caractérise réellement un logement insalubre, ce que prévoit la loi sur les logements insalubres et quels sont les droits et les devoirs des différents protagonistes.
Quelle est la définition légale d’un logement insalubre ?
La loi du 13 avril 1850 définit un logement insalubre comme étant un habitat potentiellement nocif pour la santé et la sécurité physique des occupants. Le texte de loi prévoit qu’un logement peut être qualifié d’insalubre « s’il se trouve dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé de ses habitants ». Les logements en état d’insalubrité ne peuvent ainsi être mis en location.
Bon à savoirIl convient d’opérer une distinction entre insalubrité et décence. Les critères qui permettent de juger une habitation non décente sont différents de ceux utilisés pour qualifier un logement insalubre. Ils sont notamment énumérés par la loi SRU du 13 décembre 2000. Pour vérifier si un logement est considéré comme décent, il faudra notamment s’attarder sur la taille des pièces, sur ses équipements ou encore sur l’état dans lequel il se trouve (fondations, conformité de la ventilation, etc.).
Quels sont les critères d’un logement insalubre ?
La législation, et notamment les articles L. 1331-22 et L. 1331-23 du code de la santé publique, met en avant les principaux facteurs qui caractérisent cet état d’insalubrité à savoir la dégradation de l’habitat et les conditions d’occupation inadéquates.
Le premier cas de figure concerne notamment la dégradation des revêtements de nature à laisser s’échapper des résidus de plomb, un état d’humidité avancé (moisissures), des fissures importantes, un sol instable, une isolation thermique et acoustique défaillante ou encore des normes électriques ou sanitaires non respectées.
Le second est relatif à tous les types de logement ne permettant d’y vivre confortablement à savoir :
- les caves, les sous-sols ou les combles ;
- les pièces disposant d’une hauteur sous plafond trop faible (moins de 2,20m) ;
- les logements avec une surface habitable inférieure à 9m² ou à 20m3 ;
- les pièces de vie avec une configuration exigüe ;
- les pièces de vie sans éclairement naturel suffisant ou aucune ouverture sur l’extérieur ;
- les logements loués dans des conditions manifestes de suroccupation au regard du nombre d’occupants et de la surface.
Qui peut attester de l’insalubrité d’un logement ?
C’est le préfet du département auquel le logement se rapporte qui à la compétence pour attester de son état d’insalubrité et le cas échéant pour faire procéder aux travaux de remise en conformité par arrêté (arrêté de traitement d’insalubrité). Il peut également ordonner la démolition de tout ou partie des installations concernées ainsi que l’impossibilité de louer le logement en tant qu’habitation ou même de pouvoir l’utiliser. Il appuie sa décision sur le rapport remis par l’Agence Régionale de Santé (ARS) ou par le directeur du service communal d’hygiène et de santé (SCHC).
Les propriétaires de logements insalubres peuvent être frappés de plusieurs interdictions et obligations en fonction du degré d’insalubrité et de la nature du bâtiment. Celles-ci peuvent varier en gravité et en durée mais elles entraînent toujours au moins un arrêt temporaire de la location et donc un manque à gagner pour le propriétaire. Elles incluent notamment :
- une obligation de procéder aux réparations et de remettre en conformité le logement ;
- une obligation de démolition totale ou partielle du logement concerné,
- une interdiction de mise en location du bien concerné à des fins d’habitation ;
- une interdiction d’utilisation du lieu à titre temporaire ou permanent.
Louer un logement insalubre est en outre considéré comme une infraction pénale et peut entraîner de lourdes sanctions pour le propriétaire, allant jusqu’à un an de prison et 50 000€ d’amende si le propriétaire refuse d’effectuer les travaux imposés. La peine peut même être encore plus sévère si le bailleur refuse de reloger ses locataires, ou s’il continue à percevoir le loyer, avec des amendes pouvant atteindre 100 000€ et jusqu’à 3 ans de prison. Les juges pourront en outre prononcer la confiscation du bien immobilier ou interdire son propriétaire d’en acheter un autre dans une perspective de location pendant 10 ans.
Propriétaires : Comment se protéger si l’insalubrité est causée par le locataire ?
Lorsqu’un locataire rend son logement insalubre, le propriétaire n’a pour le moment pratiquement aucun recours pour faire attester de la responsabilité du locataire dans les dégradations. L’ARS concernée prononce en effet une déclaration d’insalubrité qui mentionne dans le rapport l’identité du propriétaire. Il s’agit ainsi d’un simple constat d’insalubrité sans qu’aucune enquête préalable n’ait été diligentée pour en déterminer les causes et les responsabilités. Cette déclaration sera même publiée au registre public de la mairie et affichée sur la façade de l’immeuble en question avec tout le préjudice qui s’y rapporte.
Le bail est en outre suspendu jusqu’à ce que l’arrêté d’insalubrité soit levé. Un contexte qui incite ainsi certains locataires à dégrader volontairement leur logement pour ne plus avoir à s’acquitter de leur loyer pendant la période où le logement est déclaré insalubre. Autant d’éléments qui dissuadent fortement certains propriétaires de louer leur bien, contribuant ainsi à la pénurie de logements disponibles dans de nombreuses villes.
Heureusement pour eux, cette situation délicate pourrait très bientôt évoluer. Une proposition de loi a en effet été récemment soumise à l’Assemblée Nationale afin de répondre à ce problème et de mieux protéger les propriétaires. Elle propose ainsi plusieurs points d’évolution afin de rendre le locataire davantage responsable de ses actes en cas de dégradations :
- Le projet préconise de rendre le locataire comme étant entièrement responsable des dommages causés au logement et ainsi à prendre en charge les travaux de rénovation nécessaires ;
- Il prévoit également d’entraver ses droits à un relogement gratuit et entièrement pris en charge par le propriétaire jusqu’à maintenant ;
- Si le locataire est reconnu fautif, le texte envisage de mentionner le nom du locataire sur la déclaration d’insalubrité et non plus celui du propriétaire, que ce soit en mairie, sur la façade du bâtiment ainsi que sur le rapport de l’expert chargé de constater l’insalubrité ;
- Enfin, le locataire responsable des dégradations serait, en cas de validation du projet, tenu de continuer à payer son loyer jusqu’à ce que l’arrêté d’insalubrité soit levé afin de compenser les pertes financières subies par le propriétaire.
Quelle loi protège les locataires contre l’insalubrité?
La Loi Elan, promulguée le 23 novembre 2018, a pour objectif de lutter contre l’habitat insalubre et de mettre fin à la pratique des « marchands de sommeil ». Le texte contient plusieurs dispositions visant à résoudre cette problématique et à offrir aux locataires des garanties lorsque cette situation se produit.
Pendant les travaux de remise en conformité, le propriétaire a en premier lieu l’obligation d’assurer un relogement temporaire ou un relogement définitif à son ou ses locataire(s). A défaut, il doit verser une indemnité correspondant à 3 mois de loyer à son locataire pour couvrir ses frais de relogement.
Lorsqu’un arrêté d’insalubrité est pris par le préfet, les locataires concernés peuvent par ailleurs quitter le logement sans avoir à fournir de préavis en vertu de l’article 1724 du Code Civil ainsi que de la réponse ministérielle n°107681 du 17 janvier 2012. Ils sont ainsi libres d’arrêter immédiatement de payer leur loyer à partir du premier jour du mois suivant la notification de l’arrêté d’insalubrité émis par le préfet ou de l’affichage en mairie. Le paiement du loyer reprendra alors à compter du premier jour du mois suivant la notification ou l’affichage en mairie mettant fin à l’arrêté d’insalubrité.
Ils peuvent même réclamer un remboursement s’ils ont payé pour une période qui se situe après leur départ. En choisissant cette option, ils renoncent cependant à la possibilité de relocation par le propriétaire.
Comment faire déclarer un logement insalubre ?
Lorsqu’un état d’insalubrité est suspecté, un locataire doit en premier lieu contacter son propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception afin qu’il prenne les mesures adéquates. S’il n’obtient pas de réponse satisfaisante de sa part, il peut alors contacter la mairie pour enclencher une procédure. L’Agence régionale de santé (ARS) et le service communal d’hygiène et de santé (SCHC) ont alors pour mission d’examiner le logement ou bâtiment possiblement insalubre et de déterminer l’état d’insalubrité effectif ou non.
Une fois le rapport établi, il est ensuite remis au préfet qui peut prendre un arrêté de traitement d’insalubrité du logement. Dans des situations urgentes, le préfet peut solliciter un tribunal administratif afin qu’il désigne un expert chargé d’effectuer un examen approfondi du logement ou du bâtiment concerné ainsi que des bâtiments mitoyens pour identifier les dangers potentiels.
L’expert définit enfin les mesures nécessaires pour résoudre la situation dans les meilleures délais et mettre fin à la situation d’insécurité. Il dispose dans ce cas de figure d’un délai maximal de 24 heures après sa désignation pour formuler ses recommandations.
Comment obtenir un certificat d’insalubrité ?
Il est possible d’obtenir un certificat d’insalubrité par différents moyens :
- La publication d’un arrêté d’insalubrité remédiable ou irrémédiable (avec possibilité de le relouer ou non après les travaux) par le préfet vous permet d’en obtenir automatiquement un exemplaire ;
- En contactant directement l’ARS pour faire établir un rapport ;
- Vous pouvez également engager une procédure auprès du RSD (Règlement Sanitaire Départemental) ;
- Vous pouvez enfin missionner les Caisses d’Allocations Familiales (CAF) qui ont la possibilité de diligenter une enquête et un diagnostic effectué par un expert qualifié, la CAF ne versant des aides qu’aux logements décents.